Il ne me reste pas beaucoup de temps avant de perdre la raison. Je le sais. Plus que tout autre chose… Dans un certains laps de temps, plus ou moins court, je me ferai happer par la folie. Je deviendrai complètement fou… Mon être, dans son intégralité, succombera. Les premiers symptômes se sont manifestés il y a plus d’un an. Mon cerveau va se détruire petit à petit, sans que l’on ne puisse y faire quelque chose. Les médecins affirment que cela peut se stopper. Que si je suis scrupuleusement les traitements qu’ils me prescrivent, je pourrai vivre avec, empêcher que cela ne prenne des proportions plus importantes. Je n’y crois pas. Ce qu’ils veulent, c’est que je me drogue aux tranquillisants, que je devienne une épave vivante. Un corps sans âme. Que je ne sois pas un danger pour la société. Pour tout le monde. Ils se préoccupent peu de ma santé, autant physique que morale. Et, si jamais je devenais vraiment dangereux, ils pourront tout simplement me faire interné à l’asile ou je ne sais où… Il n’y a pas d’échappatoire à présent…Ce que je vis en cet instant n’est rien de plus qu’un allé sans retour. Si j’avais su…
Ce début de schizophrénie me perdra.
__________________________
J’ai toujours pensé que, j’étais différent des autres. Oui, ce sentiment était étrange, indescriptible. Je n’avais pourtant rien de spécial, j’étais un bébé comme un autre, un enfant comme un autre et un lycéen comme un autre. Dans ma vie, rien ne me différait vraiment du « banal ». Je n’avais pas une apparence hors norme –mis à part mon look, peut être…c’est vrai que peu de gens utilise du gel coloré…-, ni le QI d’Einstein –au contraire…-, j’étais moi. Tout simplement. Un être humain normal. Une personne parmi tant d’autres en ce monde.
Je ne pouvais l’expliquer…mais je sentais en moi ce « quelque chose de spécial ».
Je voulais être différent.
Jusqu’à ce jour.
14 Septembre 2010, Fukuoka
Je levais lentement les yeux vers le ciel pluvieux, regardant d’un air absent les nuages grisâtres qui défilaient mollement. Le verdict allait tomber. Dans très peu de temps. Et, je ne savais que trop bien ce qu’il en serait… Me prenant violemment la tête entre les mains, je me laissais glisser le long du mur crayeux de l’hôpital. J’avais froid. Je tremblais. A moins que cela n’était dû qu’à la peur qui me rongeait ?... Oui. J’avais peur. Incroyablement peur même. Je connaissais déjà la réponse de tout ceci. Je savais ce que les médecins concluraient de mon cas. Et, rien que d’imaginer cette simple phrase me retournait l’estomac.
Je portais mon index à ma bouche, rongeant par réflexe mon ongle. C’était devenu une manie ces temps-ci. Manie qui était apparue en même temps que ce problème…
Depuis que j’étais sortit du bâtiment, le temps semblait s’être arrêté. J’étais dans une sorte de bulle, hermétique au temps qui s’écoulait au dehors. Cloîtré dans une sorte de solitude malsaine, plongé dans une attente terrifiante… Quand finiraient-ils par sortir ? Quand donc prononceraient-ils ces mots si redoutés ?... M’illusionner ne servait à rien. Je savais ce qu’il m’attendait. Cette attente était horrible. Une véritable torture. Je voyais déjà le visage écœuré de mon père, celui honteux de ma mère et, sans doute le pire de tous, celui du médecin, à la fois grave et remplit de pitié.
J’avais l’irrépressible envie de vomir.
-
Misao !J’ouvris un œil et aperçut les yeux noirs de ma mère, noyés de larmes. Elle était penchée vers moi, son visage à quelque centimètre du mien. A première vue, je devais sûrement être couché…
Couché ?! Je me redressais subitement, regardant autour de moi avec appréhension. J’étais toujours à l’entrée de l’hôpital, dehors, à la différence je n’étais pas aussi contre le mur mais vautré par terre. Après tout, cela ne changeait pas grande chose…
Derrière ma mère qui se tenait à genoux à mes côtés, je distinguais deux silhouettes masculines, l’une légèrement plus trapue que l’autre. Mon père et le Dr. Satô, le dernier étant spécialisé dans la psychologie. Et, plus précisément, dans les cas de schizophrénie…
Je déglutis difficilement et tentais de me relever, la tête douloureuse. Je devais sans aucun doute m’être évanouit…Et ça aussi, ça m’arrivait fréquemment… Bien trop fréquemment à mon goût.
-
C’est bon…soufflais-je fiévreusement, adossant mon épaule contre le mur.
Elle se leva à son tour, ses cheveux d’ébènes tombant avec désordre sur ses frêles épaules. J’enfouissais mes mains dans les poches, évitant les regards qui restaient fixés sur moi. L’ambiance était si pesante…étouffante. Combien de temps allaient-ils rester là, à me regarder ainsi ?! Je n’étais pas dupe. L’expression d’horreur qui tiraient les traits d’ordinaire si neutre de a mère n’était pas dû à mon malaise. C’était autre chose…une chose bien pire que cela.
-
Tu…tu sais, n’est-ce pas ?...demanda mon père, d’une voix d’outre-tombe.
Je regardais une énième fois le ciel, comme y cherchant un quelconque recours. Mais en vain. Qu’espérais-je après tout ?... On ne pouvait rien y faire à présent. C’était fini… Nous ne pouvions revenir en arrière.
-
Oui…pas la peine de remuer le couteau dans la plaie…Sans que je m’en aperçoive, une larme roula le long de ma joue. Etait-ce donc si terrible au point de pleurer ? Est-ce qu’être pris de folie était si accablant ? Cela allait-il vraiment changer ma vie ? Avais-je un quelconque avenir ? Ou étais-je à présent bon pour passer le reste de ma vie dans un asile, empaqueté dans une camisole de force ?
C’était comique. Risible même. Moi qui avais toujours souhaité être « différent des autres » ne l’étais-je pas à présent ? La personne à laquelle j’avais aspiré devenir… Mon orgueil et ma niaiserie causeraient donc ma perte… Ma chute vers l’Enfer.
Là voici. La différence.
Ma foutue différence…
__________________________
02 février 2012, Yokohama
Jetant ma sacoche dans l’entrée, je me déchaussais et allais me vautrer sur le canapé du loft, qui, en toute honnêteté, représentait à lui seul 30% de l’ameublement dont je disposais… Enfin, il fallait dire qu'on m'avait refilé le plus luxueux des lofts que l'établissement abritait au rez de chaussée. Et allez savoir pourquoi, plusieurs personnes du corps enseignant -notamment la psychologue scolaire...- logeaient non loin de moi... Je pouvais parfaitement comprendre qu'on voulait garder un oeil sur moi, mais m'oppresser de cette façon...
Aujourd’hui encore avait été une rude journée. Comme toutes les autres qui la précédaient. Depuis que ma famille, composée de mes deux seuls parents, avaient vu leurs soupçons confirmés quand à ma « maladie » (chose que j’appelais tout simplement mon
problème) ceux-ci avaient fait de tout leur possible pour m’éloigner d’eux. Du statut de « fils unique » j’avais la désagréable impression d’être passé à « fou furieux, sans doute présumé dangereux »… Depuis certaines années, en vue des gouts et penchants que j’avais développés (bisexualité, look punk/androgyne, grosse baisse des résultats scolaires…) ils avaient placé une certaine distance entre nous. Mais il fallait croire que cette fois, ils espéraient mettre en place un gouffre…
Je laissais, malgré moi, échapper un soupir mi-irrité, mi-amusé :
-
Hmpff…je ne suis tout de même pas un idiot…du moins, pas encore.Croyaient-ils vraiment que, ne serait-ce qu’un instant, j’avais gobé leur histoire de transfert dans un lycée qui me proposait de plus grandes aides, soi-disant adaptées à mes capacités ? Non. Je n’y avais jamais cru. Ce lycée ne différait en rien de l’ancien que je fréquentais. Ou peut-être si. Il était bien pire.
Insupportable.
J’avais toujours étais étonné de la vitesse à laquelle les ragots se colportaient, mais je n’aurais jamais imaginé que ce fut si rapide. Une semaine à peine après mon « transfert », personne ne semblait ignorer mon
problème. Comment avaient-ils appris cela ? Je n’eus aucune réponse à cette question. Ils le savaient. Tous. Et, il semblait que cela les amusait beaucoup… Peut-être trop, serais-je tenté de dire.
Certes, d’aussi loin que je peux m’en souvenir, les relations humaines n’avaient jamais été mon fort. Je dirais même que j’étais catastrophique sur ce point là… Je me suis retrouvé plusieurs fois être la cible de brimades, portant généralement sur mon physique trop… efféminé qui semblait en gêner plus d’un. Combien de fois m’était-il arrivé, en rentrant de l’école, d’avoir la bouche ensanglantée et des immondes hématomes sur le visage, récompenses de mes nombreuses bagarres ? Je n’y étais pour rien, les autres venaient vers moi pour me bastonner avec une facilité déconcertante… Après tout, il fallait bien avouer que le rôle du vilain petit canard m’allait comme un gant…Mais, mes différents sociaux n’avaient jamais pris des proportions aussi énormes que là bas, dans ce qui était mon nouvel établissement…
Plus que tout autre chose, j’avais appris que le silence et l’indifférence étaient des armes absolues. Les seules qui me permettaient de lutter contre ce qui était à présent devenu mon quotidien. Sur mon passage, tous se taisaient. Certains garçons ricanaient bêtement, d’autres crachaient des injures plus charmantes les unes que les autres et les filles, pour la plus grande majorité, baissaient les yeux, gênées, comme si le fait que j’étais un mutant en dépit de mon apparence physique était regrettable. Tous ces gens, j’avais appris à les haïr sans aucunes exceptions. Les garçons, les filles, les profs… peut importait. Ils me semblaient tous aussi pourris les uns que les autres.
Depuis que mon « vœu » s’était réalisé, j’avais appris à connaitre la nature humaine dans ses moindres détails. Le commun des mortels détestait ce qui lui était inconnu, différent. Il en avait horreur.
Peur. Et, pour masquer cette peur, cette phobie de « l’étranger », il se montrait détestable envers lui. Impitoyable. J’avais compris cela à mes dépends. Je ne pouvais le comprendre qu’une fois être devenu ce que je suis. Un autre.
Je rouvrais les yeux, à moitié somnolent. Je m’étais endormi ?... Jetant un rapide coup d’œil à ma montre, j’en conclus que oui. Je dormais depuis près de trois heures.
Alors que je me levais, une violente migraine me martela le crâne, me faisant immédiatement me rasseoir. Je fermais les yeux, priant pour qu’
il me foute la paix. Mais, à l’encontre de cela,
il se fit entendre, me vrillant la tête.
-
Tais-toi ! Je ne veux pas t’entendre…je…criai-je, impuissant.
Je quittais le sofa avec empressement et me dirigeait vers une commode, vidant le contenu de ses tiroirs avec agitation. Il fallait que je les trouve, ces putains de médicaments ! Il me les fallait…pour faire taire
cette voix, ce…
-
Trouvé !J’attrapais faiblement la boîte et en sortait deux cachets que j’avalais précipitamment, sans prendre la peine de me servir un verre d’eau. Passant fiévreusement une main sur mon front, je reculais et butais contre le frigo. Je ne sentis même pas le coup lancer de violents signaux de douleur le long de mon échine. Je ne sentais que cette souffrance interne.
Que ce problème.
Ma respiration se faisait de plus en plus saccadée et mes yeux ne cessaient de faire des allez retour entre la porte et la fenêtre.
Il m’observait. J’en étais sûr.
Il était là, comme toujours.
Il épiait mes moindres faits et gestes, espérant me voir craquer… Je m’asseyais dans un coin de la pièce, enroulant mes bras autours de mes jambes, la tête fourrée dans mes genoux. Je détestais ça…cette sensation de présence, cette voix qui ne s’arrêtait pas et déballait des phrases illogiques. Parfois effrayantes même… J’étais impuissant face à lui. Chétif face à une partie de moi-même. Face à mon cerveau défectueux, à cette « erreur de la nature »… Je devenais fou. Je sentais que cela commençait, doucement mais sûrement. Le traitement que je prenais ne servait qu’à faire stopper les hallucinations pendant un certain temps. Rien de plus… Ils me rendaient amorphe, incapable de réfléchir, donc, de l’entendre.
Cette voix…Ma schizophrénie est étrange d’après les nombreux médecins que nous avons consultés. Ce trouble psychologique provoque la folie, rendant les personnes atteintes complètement maso…
Mais dans mon cas, j’étais conscient de tout cela ; que j’avais ce problème. J’étais fou et ne l’était pas. Je savais ce qu’il se passait, mais je ne pouvais pas lutter. Je comprenais, mais je ne pouvais pas considérer cela comme tel quand ça arrivait… C’était inexplicable. Dès l’instant même où je l’entendais, je pétais les plombs, si on pouvait dire ça comme ça… Je devenais parano, agité…Peu à peu, l’horrible sifflement cessa, laissant place à une douce torpeur. Mon esprit était devenu tranquille, hors d’atteinte. La voix s’estompait doucement et mes craintes avec. Je fermais les yeux, soupirant d’aise. Cette sensation était si agréable… Et pourtant, elle n’était rien de plus qu’artificielle… La brume qui baignait mon cerveau me rendait juste ahuri… Je planais complètement. Le terme de médicament ne me paraissait pas des plus exacts.
Drogue conviendrait beaucoup mieux… Tout ce que je faisais n’était autre que de me droguer, de fuir la réalité. J’en étais persuadé.
Je ne guérirai jamais.
C’était impossible.
__________________________
29 avril 2012, Yokohama
La pluie.
Je restais allongé sur mon lit, ne quittant la fenêtre des yeux. Il pleuvait. Je haïssais ce temps. Les jours de pluie, j’étais incroyablement nostalgique. Amère. Je ne pouvais m’empêcher de repenser à ce jour… Le plus effroyable de toute mon existence.
Tripotant ma boucle d’oreille d’un air songeur, j’étais tellement absorbé dans mes propres pensées que je n’entendis même pas qu'on frappait à ma porte.
« oc...to...
Toc toc! Paff ! »
-
‘Tain !! C’est bon, j'suis pas sourd non plus !!m’écriais-je en me levant, profondément irrité d’avoir était tiré de mes songes aussi brutalement. On voulait défoncer ma porte ou quoi ?!
Je me dirigeais vers la porte et l'ouvrait brutalement. Qui pouvait bien venir me rendre visite à cette heure-ci ? La psy qui voulait voir si tout se passait bien ? Un prof ? Des amis ? Non, impossible, puisque je n'en avais aucun... Enfin, peu m'importait de qui il s'agissait, il me dérangeait.
Pas la peine de préciser ô combien je fus surpris de tomber nez à nez à une jeune femme… Celle-ci me dévisageait d’un air hautain, les bras croisés contre sa poitrine. Ce qui me frappa le plus chez elle fût ses yeux perçants, d’un gris ardoise. «
Une occidentale », pensais-je aussitôt.
Elle passa une main gracile dans ses cheveux acajou et soupira, plantant vivement son regard dans le mien.
-
Misao, je présume ?C’était bien ce que je pensais. Elle avait un fort accent anglais.
-
Heu…oui, répondis-je bêtement.
-
Et bien ! Ne reste pas planté comme un piquet ! Quand on est poli, la moindre des choses est d’inviter les gens à entrer !piailla t elle, m’écartant du chemin.
Je restais interdit, la regardant franchir la porte du loft et s’arrêter après avoir fait quelques pas. Elle observa longuement autour d’elle puis alla s’asseoir sur le canapé, se massant la tempe.
-
Dis moi…tu ne penses jamais à faire le ménage ? J’écarquillais les yeux, complètement abasourdi. Pour qui se prenait-elle à la fin ?! Elle n’était pas chez elle, à moins que je ne sache…
Croisant les jambes, elle tapota le cuir du fauteuil à côté d’elle, comme m’invitant à prendre place.
Oui. Elle est vraiment gonflée…
-
Je t’en prie, assieds toi et ferme la porte !dit-elle avec un sourire amical.
Je m’exécutais et allez m’asseoir à côté d’elle, la fixant d’un air morne. Je ne savais strictement pas qui elle était, mais son caractère m’insupportait au plus au point…
-
Qui êtes vous ?lâchais-je subitement.
Un sourire amusé pris place sur ses lèvres. Visiblement, ma question lui plaisait. Beaucoup.
-
Lisbeth Victoria Sullivan. Officiellement une Ancienne.«
Ancienne ? Qu’est-ce qu’elle me chante encore… »
Avant que je ne puisse dire quoi que ce soit, la demoiselle se mit à débiter une série de phrases effrénées, plus incompréhensibles les unes que les autres. D’après le peu qu’il me fut donné de comprendre, j’étais soi-disant un sorcier, et qu’il m’était à présent possible de rejoindre un endroit spécialisé pour les
gens comme moi.
Malgré moi, j’explosai de rire, au comble de l’hilarité. Un sorcier… Ridicule… Je crois que même si on m’aurait dit que j’étais capable de résoudre une équation, je n’aurais pas autant ri.
Je levais le visage vers elle, essuyant les larmes qui naissaient au coin de mes yeux.
-
Très drôle. Vraiment ! Allez… où sont les caméras ?Elle me regarda, à la fois incrédule en offusquée. Elle semblait vraiment croire à ce qu’elle m’avait dit…
-
Des caméras ?... Mais non, je suis on ne peut plus sérieuse ! Tu crois que je suis venue exprès de Grande Bretagne juste pour m'amuser ?!Allez dire à un schizophrène que la magie existe… Personnellement, je trouvais que je le prenais plutôt bien. Peu de gens auraient réagit de cette façon…
Comme si elle avait lu dans mes pensées, elle enchaîna sur le ton de la confidence :
-
Par quel miracle penses-tu être capable de faire encore preuve de lucidité, pouvoir vivre presque normalement ? Je suis au courant de… ton problème, je sais, ou plutôt nous savons, beaucoup de choses sur toi, gamin. Si les effets sont aussi minimes et ne restent pas en permanence, ce n’est pas dû à la chance.Je me figeai aussitôt. Comment savait-elle cela ? Je n’y avais pas fait attention non plus, mais elle connaissait aussi mon nom sans que je n’ai eu besoin de le lui dire…«
Se pourrait-il que… »
-
C’est entièrement grâce à ton statut de sorcier que tu n’es pas encore cloîtré dans un hôpital psychiatrique. Même si tu n’en es pas immunisé totalement, la folie qui te ronge agit très lentement. Comment aurais-tu pu survivre plus d’un an tout seul, à ton avis ? Tu ne dois ça qu’à ta véritable nature…Je serrais le poing. A présent, je ne riais plus du tout. Avait-elle raison ? Pouvais-je la croire ? Mais plus que tout, cette pensée ne cessait de me torturer l’esprit.
La différence que je sentais en moi depuis si longtemps…
Etait-ce du au fait que j’étais un sorcier ?
-
Arrêtez de dire des conneries…Je ne sais pas comment vous savez tout ça sur moi, mais la magie n’existe pas ! Si vous voulez mon avis, vous devez être plus atteinte que moi !Elle sourit, comme elle savait si bien le faire, et se leva, se dirigeant d’un pas décidé vers la porte.
-
Comme tu veux, gamin !fit-elle en haussant les épaules.
Mais sache une chose ; tu pourrais sûrement apprendre à stabiliser ton problème là-bas… De la concentration et un environnement sain seraient sans aucun doute d’une plus grande utilité que ça…souffla t elle en montrant ma boîte de médicament posée sur l’évier.
Et, comme si de rien n’était, elle sortit, claquant la porte derrière elle.
Je restais sur le canapé, incapable de bouger. Je n’en trouvais même plus la force… Que faire ? Que croire ? Je n’en savais rien… Foutrement rien d’ailleurs…
Tout le reste de l’après midi, je restais allongé à ma place initiale, sur mon lit, regardant dehors. Tout ça n’avait ni queue ni tête… Moi, un sorcier ? Doublé d’un schizophrène… quelle bonne blague.
Et pourtant, pourtant… S’il n’y avait, ne serait-ce qu’une chance qu’elle eut raison, une infime chance, pouvais-je vraiment me guérir ?...
J’ouvris avec précipitation la porte, m’apprêtant à partir à la recherche de Lisbeth. Il fallait à tout prix que je la retrouve. Que je lui demande…
-
Tiens ! Tu as changé d’avis ?Je baissais les yeux et aperçut la jeune femme assise dans le couloir, en train de fumer tranquillement une clope. Il me fallut beaucoup de sang froid pour ne pas exploser.
Vraiment beaucoup. Je soupirais longuement, tentant, tant bien que mal, de me calmer.
-
Pourquoi ne m’avez-vous pas prévenue plus tôt ?demandais-je, de but en blanc.
Elle me regarda un instant puis abaissa le regard, mal à l’aise.
-
Il…il fallait qu’on sache…si tu étais apte à tout cela… Si tu…-
Si je n’étais pas devenu un fou, bon à enfermer ? C'est bon. J’ai eu la réponse que je voulais…-
Que comptes-tu faire maintenant ?-
Je ne sais pas…mais s’il y a une chance pour que je puisse échapper à la folie, je la saisirais.Qu’est-ce qui m’a pris de dire ça ?!
Elle se redressa, écrasant sa cigarette sous sa botte, et réajusta le col de sa veste.
-
Ok, va préparer tes affaires, et je t’embarque !lança t elle en me donnant une tape amicale dans le dos.
Du moins, j’imaginais qu’elle se voulait amicale…
-
Gamin…-
Quoi ?-
Tu vas réussir, j’en suis certaine.J’esquissais un bref sourire puis m’apprêtais à aller faire mes bagages, quand sa voix se fit entendre une nouvelle fois.
-
Au fait…murmura t elle.
-
Quoi encore ?!-
J’espère que tu sais bien parler anglais...à vrai dire, j'ai pas envie de passer tout mon temps à te parler dans une autre langue que la mienne.Elle se foutait vraiment de ma gueule.