De la paperasse, des médocs à ranger, des gens chiants – alors qu’il n’y a que quelques cinglés qui sont venus en avance alors que les vacances ne sont pas totalement finies… foutage de gueule ou bien c’est juste le mauvais sort ? – et une réserve à vider de temps à autre. A peine arrivé et la routine reprend déjà ses bons droits. Quelque part ce n’est pas plus dérangeant que cela mais ça serait bien si on pouvait facilement se débarrasser des facteurs gênants. Comme des folles furieuses… qu’elles soient jeunes ou vieilles, enfin là… le terme harpie décharnée lui colle mieux. Enfin on ne va pas trop se plaindre, les choses pourraient être pires.

Ouai elles pourraient… et pourtant il y a des jours on se dit que c’est bien le cas, parce que voila vous pensiez être pénard dans votre plumard à pioncer comme un bienheureux et bah non ! Il y a quand même des gens qui trouvent le moyen de vous faire chier. Quoi de plus emmerdant que d’entendre quelque chose frapper à votre porte tandis qu’émergeant difficilement de votre sommeil réparateur vous ne pouvez que constater que votre réveil affiche quatre du matin ou un peu avant… Et après on s’étonne que des personnes sont prises de folies meurtrières. Le sommeil c’est sacré, mine de rien.

Bâillement. Et avec tout ça je suis épuisé moi. Et comble de l’ironie, maintenant qu’il fait bien jour, que les gens normaux sont censés vivre leur petite vie normalement et bah… y a plus personne. Évidemment. Le contraire m’aurait étonné je pense mais au fond je me demande si ce silence et ce calme me font plus plaisir que d’accueillir un élève normalement constitué à cette heure. En fait je crois que je ne pourrais pas trancher. Et au final c’est pas bien compliqué, je suis simplement d’une humeur massacrante. D’un coté c’est pas plus mal en fait qu’aucun élève ne vienne se pointer, pas sûr qu’il survive… enfin façon de parler. A la place j’en profite pour me plonger dans la lecture d’un de mes vieux romans. Puis je fini par lever les yeux vers la vieille horloge qui orne le mur d’en face. Ah ça doit être bon.

D’un bond – léger et gracieux, qu’est ce que vous croyez – je me lève et me dirige vers la porte du fond. Deux coups et enfin elle daigne me répondre.

« T’as toujours un timing de merde toi tu sais. »
« Et toi tu sais qu’un coup de plus et j’aurais décidé de te donner une correction ? Vilaine ingrate. » Pour la forme je lui lâche quand même une tape sur la tête, rien de bien méchant, même une mouche aurait pas eu mal… je pense. Pénétrant alors dans le cabinet je vais directement m’installer à ma place habituelle. Comme le veut notre rituel. Deux ans que ça dure et ça c’est le genre de chose dont on ne se plaint pas de faire partie des habitudes répétitives. « Eh bah alors, te mets pas dans des états pareils juste parce que je viens te rendre visite. » Humour à deux balles quand tu nous tiens. « Sérieusement va vite te sécher avant d’attraper la mort, j’ai pas envie que tu occupes un de mes lits pendant une semaine ou plus. C’pas que je ne t’aime pas mais y a des limites au squattage. »

Soupir. Je la laisse se changer pendant que je reste posé à ma place, ne faisant strictement rien. Larvant en toute dignité. Parce que oui, c’est parfaitement possible. Et puis je l’entends qui revient et sans détourner mes yeux du plafond.

« Tu sais y a des jours je me demande bien ce qui a pu me passer par la tête pour accepter un boulot pareil. Les adolescents... c’est vraiment une plaie. »

Cette nana me faisait mourir de rire et évidemment avec elle je ne me retenais jamais. Parce que rire c’était bon pour le moral, et parce qu’avec elle, c’était tout bonnement impossible. La voir s’emmêler ou simplement sortir des énormités pas possible avec de se rendre compte de sa connerie et d’essayer vainement de se justifier… c’était divin. Faire chier Zofia c’était un passe-temps agréable, c’était tout un art. Enfin on était comme ça depuis un bon bout de temps maintenant, être arrivé la même année et de profession plus ou moins similaire, bien qu’à la base je possède une opinion assez médiocre des psychologues mais elle doit être l’exception à la règle, et bien ça aide.

« Ah bah oui mais non. Tu ne vas pas t’y mettre non plus, ce n’est pas que je t’aime pas mais si tu commences à en pincer pour moi ça ne pourra plus aller entre nous. » J’avais pris une mine sérieuse, même si je ne l’étais absolument pas. « Et tu sais ça m’ennuierais d’avoir à t’enfermer quelque part pour protéger mon innocence. » Évidemment tout n’était que boutades et paroles en l’air, après tout elle était bien l’une des seules à savoir et les doubles sens ne pourrait qu’être qu’accident ou jeu. Même si souvent le premier c’était pour sa poire à elle et les seconds pour la mienne.

« Je manque à tous mes devoirs ? Tu veux quelque chose à boire ? J’ai du thé au jasmin, du thé au citron, du thé à l’orange, du thé à la rose, du thé à la menthe et du thé… à la violette. »

Je ne peux m’empêcher de l’observer comme si j’avais un objet non identifié devant moi, elle ne me l’avait pas encore fait ce coup là. « Hm, tu as d’autres parfums tant qu’on y est ? Genre des trucs encore plus originaux que ça ou de ton cru ? Parce que ça ne m’étonnerait même pas venant de toi tiens. » Un sourire moqueur, je me payais encore sa tête. Enfin mais quelle idée d’avoir autant de variétés de thés. Non pas que je la blâmais mais évidemment ça m’éclatais de le lui remarquer. « Je prends que du parfum pomme-cannelle et si t’en as pas je te filerais un gage. Ça t’apprendra de me faire une liste pareille si tu n’as pas de tout. » Moi vache ? Mais pas du tout.

A sa dernière remarque je ne répondis que pas un lancée de coussin, après avoir attendu qu’elle n’est pas les mains occupées bien sûr. « Je ne couine pas, je constate et je déplore ! Ce n’est pas du tout la même chose. » Parce que ce sont les donzelles et les chieuses qui couinent d’abord et ça c’est limite une insulte, nom de Zeus. Soupire. C’est vrai que je ne suis pas venu ici juste pour me plaindre mais bon quand on commence par quelque chose c’est pour le finir donc. « Non mais je sais très bien pourquoi j’ai choisi ce métier mais putain les sacs d’hormones je m’en passerais très bien. Surtout quand il s’agit de mon propre frangin. » Tiens c’est vrai qu’avec la rentrée et tout ça, je ne crois pas lui avoir déjà annoncé que mon petit frère adoré commençait la nouvelle année parmi nous. Il y a deux personnes minimum au courant sûr – monsieur Edgard et cette vieille furie hystérique – mais Zofia… je n’en suis pas certain. « Je te jure je me demande ce qui à pris ma mère de l’envoyer chez moi. Comme si ça allait améliorer nos relations alors qu’il est borné comme la plus désagréable des mules…. » Je crois que cette image n’est même pas assez forte en plus. « Alors forcément quand môsieur est pas content c’est de ma faute, c’est moi qui suit la cause de tous ces malheurs et il vient me péter les couilles alors qu’il mérite juste que je l’enferme quelques jours dans les sous-sols avec l’habitante en chef des lieux… il comprendra bien vite son malheur. » Et pas qu’un peu. « Et LA il pourrait se permettre de se plaindre. »

note: Kyou se prononce Kyo mais c'est un o long /o

« Ahn ! Mais comment tu m’as vexé là. Je suis profondément outré, vraiment. Je ne suis pas désagréable moi d’abord ! » Oui je ne niais que le terme « désagréable », têtu… ça pouvait se discuter mais je n’étais certainement pas aussi pénible que mon cadet. Ah ça surement pas ! Il y avait tout de même une sacrée différence entre s’amuser à faire gentiment chier son monde et faire sa crise d’adolescence de manière grotesque et casse-pied. « Mais bon ça va je suis dans un bon jour, je ne t’en tiendrais pas rigueur… pour le moment. » Tout ça pour dire que je n’étais pas sérieux pour un sou mais… que ça pourrait quand même lui retomber dessus un jour ou l’autre. Comme toujours.

Avant de reprendre un peu plus sérieusement. « Franchement si ça serait aussi simple… mais tu devrais le savoir que tout est plus facile à dire qu’à faire. Le souci c’est que Kyou a décidé du jour au lendemain que notre fraternité c’était terminé. Je veux dire, qu’un beau jour il a fini par prendre ses distances de manière un peu brutal. Rien à voir avec une simple crise d’adolescence quoi. Ça, ça ne fait pas l’ombre d’un doute. » Une courte pause, le temps de saisir le thé tendu par Zofia et de la remercier. « Tu sais… ça faisait quatre ans qu’on ne s’était pas parlé, pas vu, même pas écrit. Rien. Et les choses ne se sont absolument pas tassées. Sans oublier le fait qu’il pense qu’on est tous contre lui et qu’il vit son déménagement en Australie comme une injustice. Et notre mère jugeait que c’était le mieux à faire car il faisait de plus en plus de bêtises chez nous… des trucs pas bien jolis à énumérer. »

Soupire. Je repensais encore aux lettres que je n’avais jamais osé envoyer et qui prenaient la poussière dans une boite. Planquée dans mon bureau. Mais il n’était pas nécessaire de l’indiquer, de toute façon je savais très bien qu’elles auraient fini brûlées une fois délivrées. Que c’est compliqué.

« Et le plus drôle dans cette histoire c’est qu’en réalité… mes parents sont persuadés que je suis vraiment un modèle parfait et travailleur. Le fils que tout le monde rêverait d’avoir et tout ça. Parce que tu vois, quand j’étais plus jeune, j’utilisais des sorts de dissimulation pour cacher mes coupes de cheveux, afin qu’eux ils voient un truc banal sur ma tête quoi, je m’obligeais à porter des tenues banales à la maison… Et ils n’ont jamais su que j’avais fumé pendant un sacré moment ou que Nobu et moi-même avions fait exploser les cabinets des filles une fois… Je crois qu’ils en auraient un arrêt s’ils apprenaient la vérité. » Surtout ma mère. La pauvre. « Enfin voila, je suis loin d’être le modèle attendu pour Kyou alors qu’au fond nous sommes singulièrement pareil. Sauf qu’il est plus casse-pied, si si. Et même lui a assez mal vécu d’apprendre la vérité sur mon compte je pense. Car il le sait seulement depuis qu’il vit chez moi, en fait… »

C’est une saloperie cette histoire et j’en suis persuadé, on n’est pas encore sorti de l’auberge… surtout que l’année vient à peine de commencer. « Enfin tu feras bien vite sa rencontre à mon avis. Dès qu’il aura commencé à faire parler de lui, et pas en bien. Faudra pas que t’hésites à le fouetter s’il faut surtout. » La dernière phrase n’était pas dite sur un ton vraiment sérieux mais au fond je ne pense pas que ça soit une option à négliger.

« Enfin bon parlons d’un sujet un peu plus joyeux… » Un sourire un peu narquois prend place sur mes lèvres. Il était temps de saisir cette perche si gentiment tendue par cette adorable demoiselle. « Tu as dit que même si tu en pinçais pour moi, ce qui peut dire que ce n’est pas un impossibilité et c’est très touchant de ta part. » J’avais envie de rire parce qu’elle ne pouvait pas comprendre que c’était une boutade en bonne et due forme puisqu’elle savait. « Mais si ce n’est que du domaine de la possibilité… ça veut dire que tu as avancé dans ta relation avec notre beau brun de secrétaire qui arrive à te mettre dans tous tes états ? » Pas besoin d’y aller par quatre chemins, il fallait vraiment être aveugle pour ne pas le remarquer.